Notre biais de l'innovateur
C'est très facile de remplir notre Lean Canvas avec notre solution initiale en tête. Hélas, c'est ce qui fait que la plupart des produits échouent. Laissez-moi vous présenter le Leaner Canvas.
Le Lean Canvas est un outil très puissant, peu sont aussi efficaces pour déconstruire une idée pour la voir plus clairement et convaincre de son potentiel.
Mais son créateur, Ash Maurya, s'était vite rendu compte d'une faiblesse : quand on a une idée en tête, c'est très facile de remplir toutes les cases pour appuyer notre idée.
C’est facile, pourquoi ne pas imposer un ordre de remplissage comme on l'a vu dans la dernière newsletter pour penser d'abord aux utilisateurs ! Etre customer-centric !
Perdu.
Après avoir rempli des milliers de Lean Canvas avec ses clients et élèves, Ash a été obligé de se rendre à l'évidence : souvent, les problèmes rédigés n'étaient là que pour justifier une solution que les participants voulaient construire dès le début. N'est-on pas tous passé par là ?
C'est le biais de l'innovateur, on ne se rend même pas compte que l'on fait ça. En même temps si on y réfléchit, ça valide notre solution en quelques minutes, c'est magique !
"Quand vous avez décidé de construire un marteau, tout ressemble à un clou."
En remplissant le Lean Canvas de cette manière on crée sans le vouloir un enchaînement de croyances qui s'éloignent de plus en plus de la réalité.
Oublions donc l'ordre des cases pour le remplissage : la génération d'idées ne doit pas être contrainte par un process. Mais gardons le pour la validation...
A vos stylos !
Echauffement
Pour casser notre biais de l'innovateur et l'enchaînement de croyances qui s'en suit on va faire un petit exercice avec le Lean Canvas:
Mettez un timer de 20 minutes et essayez de remplir le plus de cases possible. Ne vous mettez aucune limite, le premier Lean Canvas qu'on remplit ne doit pas être parfait. Pensez à la genèse de votre projet, aux événements qui vous ont poussé à vous lancer.
Prenez du recul maintenant, quelles sont les premières cases que vous avez remplies ?
Est-ce que les cases Problème et Profils d'utilisateurs ont servi de base pour les autres ou au contraire ont-elles été remplies ensuite pour satisfaire les premières ?
On n'est pas là pour se flageller, une bonne idée peut venir de n'importe où, et pas forcément d'un problème comme on aimerait tant le dire.
Réordonner son enchaînement de croyance : le point de départ universel.
D'après IDEO, le plus que célèbre cabinet d’innovation, Il y a trois choses à dérisquer pour qu'une idée soit un succès : la désirabilité, la viabilité et la faisabilité. Dit autrement :
Est-ce que les clients la veulent (customer risk) ?
Comment on fait de l'argent (market risk) ?
Est-ce qu'on peut la construire (technical risk) ?
Bon, pour la grande majorité des produits, la faisabilité n'est pas le plus bloquant. On s’en rend vite compte en interviewant des utilisateurs; ils veulent souvent des réponses simples à leurs problèmes.
On peut avoir notre rôle à jouer pour la viabilité, mais pas tellement sur la désirabilité (non, ce n'est pas un cours de marketing ici).
Gagner l'attention de nos utilisateurs est notre première bataille. Voici notre point de départ universel.
Le Lean(er) Canvas
Bye bye le Marteau de Maslow, Ash nous propose un Canvas plus svelte pour palier à la loi de l'instrument, ici on se concentre sur les cases "Problème" et "Profils d'utilisateurs" :
Si vous ne validez pas en premier vos utilisateurs et leurs problèmes, il est facile d'imaginer que le reste du Lean Canvas aura peu de sens, vous finirez vite par décrire une solution dont personne ne veut.
Même si vous arrivez à construire la solution (faisabilité), personne ne l'achètera (pas de viabilité), et ce ne sont pas vos canaux de distribution ou votre avantage déloyal qui vous sauveront.
Ton biais de l'innovateur tu dézingueras
"Quel est l'utilisateur idéal pour notre solution ?", "Quels problèmes spécifiques je peux résoudre avec ma solution ?" Non ! C'est terminé ! Vous voyez une case solution ? C'est terminé ! Oubliez votre solution.
Du coup, comment fait-on ?
Une solution : ce qu'Ash appelle The Innovator's Gift, attention c’est subtil.
On décrit les problèmes en se basant sur les alternatives - et leurs limites - qu'utilisent déjà vos utilisateurs.
Ce changement adroit peut faire la différence entre inventer de faux problèmes pour justifier notre solution et découvrir de vrais problèmes qui méritent d'être résolus.
Désirabilité, viabilité et faisabilité tu trouveras
La désirabilité passe par une proposition de valeur unique percutante : elle est ciblée (pour les early adopters) et spécifique (résout un problème important).
Ce travail sur le Lean(er) Canvas doit vous aider à décrire les problèmes de vos utilisateurs mieux qu'eux. Et là vous activez la Strategy of Preeminence (Jay Abraham) : il y a un transfert automatique de compétence. Si vous comprenez leurs problèmes mieux qu'eux, alors vos utilisateurs pensent que vous avez la solution idéale pour eux et ils vous suivront les yeux fermés.
Parlons de la viabilité. Par réflexe, on base notre pricing sur le coût de notre solution, ce qui n'est pas vraiment optimal. Mais c’est tout un autre sujet.
A ce stade, l'utilisateur se fout de savoir combien votre produit coûte à produire, ils sont prêts à mettre le prix pour des problèmes résolus et un résultat attendu.
Une bonne façon de dérisquer votre viabilité et de voir si vos utilisateurs cible passent beaucoup de temps ou paient une solution alternative pour résoudre ces problèmes en particulier.
Ce qu’il faut retenir c’est qu’il faut réfléchir votre modèle de pricing en fonction de la valeur des problèmes à résoudre, qu'elle soit technique, temporelle, monétaire ou émotionnelle.
Et la faisabilité ? Quand vous aurez compris les vrais problèmes que vos utilisateurs cibles veulent résoudre et ce qu'ils font déjà dans la vraie vie pour essayer de les résoudre, vous vous rendez souvent compte que vous n'avez pas besoin d'une AI, de machine learning ou de physique quantique pour leur faciliter la vie !
Cet exercice est hyper intéressant à faire quel que soit le niveau d’avancement de notre produit, il n’est jamais trop tard pour se poser les bonnes questions et être sûr de partir dans la bonne direction.
Je l’ai fait pour mes différents projets et c’est vrai que ça demande du courage. 😅
Est-ce que demain vous allez forcer un produit à des utilisateurs désabusés ou vous allez leur offrir la solution qu’ils attendent depuis si longtemps ?
Je vous dis à la semaine prochaine pour de nouvelles aventures !
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